Traite des êtres humains en France – 85% des victimes sont des femmes

  Pour lutter contre les violences faites aux femmes en France, la Miprof est à l’initiative de films pédagogiques, en partenariat avec le Conseil national des Barreaux, la Conférence des Bâtonniers, le Barreau de Paris et le Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. (Ici, capture d’écran du film consacré aux violences dans le cadre domestique, intitulé « Protection sur ordonnance » et réalisé en 2015 par Virginie Kahn.) (Crédits : stop-violences-femmes.gouv.fr)L’enquête réalisée par la Miprof et l’ONDRP montre que parmi les victimes de traite des êtres humains suivies par les 24 associations ayant répondu à l’étude, 74% étaient victimes d’exploitation sexuelle, 15% ont subi des faits d’exploitation par le travail, 7% ont été exploitées pour commettre des délits et 2% pour de la mendicité forcée (avec une forte augmentation des mineurs, souvent âgés de moins de 10 ans).

Une étude fondée sur le suivi d’une vingtaine d’associations met en lumière la prépondérance de l’exploitation sexuelle dans la traite des êtres humains en France et la surreprésentation des femmes parmi les victimes, selon des données publiées mercredi.

L’enquête réalisée par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) montre que sur 1.857 victimes de traite des êtres humains suivies par les 24 associations ayant répondu à l’étude, 74% étaient victimes d’exploitation sexuelle.

1. Prépondérance des femmes parmi les victimes

Parmi les autres, 15% ont subi des faits d’exploitation par le travail, principalement dans le cadre domestique, 7% ont été exploitées pour commettre des délits et 2% pour de la mendicité forcée. Pour 2% des victimes, la forme d’exploitation n’a pas été identifiée. Sur l’ensemble des victimes prises en charge par les associations (dont la Cimade, la Croix Rouge, l’Armée du Salut), 85% sont des femmes.

2. L’ampleur des réseaux nigérians de prostitution en France

Si les victimes accompagnées par les associations sont originaires de 70 pays, cinq nationalités concentrent 80% des victimes: Nigeria, Roumanie, Maroc, Algérie et Bulgarie.

Selon la Miprof et l’ONDRP, l’enquête confirme « l’ampleur de l’activité des réseaux nigérians de traite prostitutionnelle en France ». Seul 1% des victimes d’exploitation sexuelle accueillies par les associations sont originaires de France.

3. Les techniques d »emprise » des exploiteurs sur les victimes

La traite des êtres humains par les réseaux de l’Europe de l’Est et du Sud est davantage diversifiée même si l’exploitation sexuelle reste prédominante. Contraindre à commettre des délits et la mendicité forcée constituent les autres volets de leur activité criminelle.

L’enquête met en lumière « l’emprise » des exploiteurs sur les victimes. Le transfert vers la France ou le lieu d’exploitation, comme l’hébergement, sont majoritairement organisés par l’exploiteur ou un intermédiaire.

4. Hors cadre domestique, les hommes majoritaires parmi les victimes

L’exploitation par le travail (esclavage, servitude, travail ou services forcés) concerne très majoritairement les femmes (94%) dans un cadre domestique. Hors de ce cadre, les hommes sont plus représentés (68%) notamment dans les travaux agricoles, de bâtiment, la restauration, le commerce…

5. Mendicité forcée : augmentation du nombre des mineurs

L’étude relève l’augmentation du nombre de mineurs suivis pour mendicité forcée, souvent des garçons et parfois très jeunes (moins de 10 ans).

Sur la construction de l’étude et ses résultats, l’ONDRP et la Miprof préviennent des biais méthodologiques induis par les conditions de l’enquête et son périmètre. Ainsi les victimes suivies « ne peuvent pas être considérées comme un échantillon représentatif de l’ensemble des victimes présentes sur le territoire français », préviennent toutefois l’ONDRP et la Miprof. Elles soulignent notamment que les activités des associations ayant répondu peuvent entraîner une « surreprésentation » des victimes de certaines formes d’exploitation, comme l’exploitation sexuelle.

https://www.latribune.fr/economie/france/traite-des-humains-en-france-preponderance-de-l-exploitation-sexuelle-etude-783242.html 

(Avec AFP)

 

 

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Communiqué de Presse pour la Journée européenne 2018 contre la traite des êtres humains

Cliquez pour lire le communiqué de Presse.

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 « Les Champs de Booz » aux côtés des femmes réfugiées

Dans les locaux de l’association, une réfugiée suit un cours de français dispensé par l’une des 16 bénévoles. / Benoit Durand pour La Croix

La Croix du 2 /07/2018

Portée par 23 congrégations, cette association catholique épaule depuis quinze ans les femmes réfugiées isolées en attente de régularisation.

Ses bénévoles s’inquiètent du projet gouvernemental de réduction des délais d’examen de leurs demandes d’asile.

Dans les locaux de l’association, une réfugiée suit un cours de français dispensé par l’une des 16 bénévoles. / Benoit Durand pour La Croix

Quand elle raconte ses derniers mois en République démocratique du Congo (RDC), la voix d’Olga, lancinante, s’étouffe. « Les ennuis ont commencé en 2015, lorsque des opposants au régime du président Joseph Kabila ont décidé de venir boire des verres dans mon établissement », explique, émue, cette ancienne patronne de bar. Sans autre forme de procès, la trentenaire est arrêtée. Incarcérée pendant dix jours. Violée, brûlée sur toute la poitrine par des mégots de cigarettes – elle montre, en larmes, la cicatrice qui s’étend jusqu’au cou –, et tabassée par « le commandant » de la police locale.

« Après avoir pris la fuite pendant un transfert, j’ai organisé mon départ vers la France », poursuit-elle. Vie dans la rue, appels incessants au 115, faible suivi à l’hôpital de la Maison-Blanche, à Paris, où on lui fournit des médicaments post-traumatiques… En parallèle à ses « premiers mois de galère » dans la capitale, la jeune femme lance les démarches pour obtenir ses papiers. « Il a fallu raconter, encore et encore, les drames que j’avais vécus devant les inspecteurs de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides,

NDLR)confie-t-elle pudiquement. Cela a été extrêmement dur à revivre : j’aurais bien eu besoin d’aide pour m’y préparer. »

Mais l’épreuve paye : elle reçoit son « statut » en mars 2017. Et entend parler dans la foulée d’une association catholique atypique, Les Champs de Booz – du nom du personnage biblique qui protégea sa bru, Ruth, veuve, sans enfants et étrangère –, qui pourrait l’aider à se reloger. Désormais portée par 23 congrégations, cette association épaule, depuis quinze ans, les femmes réfugiées isolées engagées dans une démarche de régularisation, en les accompagnant pendant les premiers mois de leur intégration et en leur proposant des solutions provisoires d’hébergement.

Outre Olga, une vingtaine de pensionnaires – de confession musulmane, bouddhiste ou chrétienne… – sont actuellement logées dans des appartements mis à disposition par des particuliers ou par des communautés catholiques, à Paris ou dans sa proche banlieue.

Fourniture d’un logement pendant six mois, renouvelable une fois, contre un faible loyer (environ 100 € par mois), cours de français, aide administrative… « En les protégeant du risque de la prostitution ou de la vie dans la rue, nous prônons un accueil intégral de ces femmes, mais sans faire de l’assistanat »,explique sœur Éliane Loiseau, de la congrégation des Sœurs missionnaires de l’Évangile. Dans l’ancien dispensaire du 20e arrondissement de Paris, qui fait office de local pour les deux permanences hebdomadaires de l’association, la religieuse a passé la matinée à aider Fatou (1), une Ivoirienne promise au métier d’exciseuse dans son pays natal, à préparer son « récit » de vie pour sa demande d’asile.« Nous essayons de leur donner le plus de chances d’être convaincantes devant l’Ofpra : elles jouent leur vie en quelques minutes », poursuit la religieuse. Tortures, mutilations, mariages forcés… Face aux traumatismes vécus, la tâche se révèle souvent ardue. « Elles se sont construit des portes coupe-feu entre leur vie d’avant et celle de maintenant : il faut les aider à rendre leur situation intelligible, à poser des mots sur des souffrances indicibles, face à un jury parfois violent pour tester la véracité de leurs propos », renchérit Christiane Baradeau, psychologue en libéral et bénévole laïque desChamps de Booz.

Soudées, les volontaires ne négligent aucun détail. En réclamant un haut degré de précision, elles font ressasser à leurs protégées la raison qui les a poussées à partir. Parfois, cela ne suffit pas. « 100 % des Tibétaines obtiennent le précieux sésame administratif ; les femmes d’origine africaine, en revanche, le reçoivent de moins en moins », note Sylvaine Clouqueur, bénévole, ancienne juriste. En cas de refus, la procédure se complique : il faut rapidement déposer un recours devant la Cour nationale du droit d’asile, en étayant les témoignages par de nouvelles preuves de « menaces au pays ».

« Mais avec le projet gouvernemental de réduction des délais d’examen des demandes de ces femmes migrantes, cela risque d’être intenable pour nous de consolider les dossiers refusés dans le temps imparti », s’inquiète Francine Sosson, ex-pharmacienne, bénévole au sein de l’association. L’Ivoirienne Fatou, désormais préparée au « grand oral » qui se profile, espère encore passer devant l’Ofpra avant la révision de la loi. C’est sœur Éliane elle-même qui a posté sa demande d’asile.

Malo Tresca  journaliste à la Croix

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Un combat à armes inégales contre la traite humaine

Marie-Hélène Halligon, sœur de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur, auteur de cet article.

En novembre 2017, une journaliste de CNN surprenait la vente de migrants africains en Lybie. La diffusion sur tous les médias de ce reportage a mis le monde en émoi…
La réalité si terrible et complexe de la Traite et de l’Exploitation des êtres humains dépasse de beaucoup cet épisode, dans le temps et dans l’espace… et donc aussi le combat mené par tous ceux et celles qui veulent l’éradiquer. Lire l’article.

 

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Un réseau de proxénètes nigérianes jugé et condamné

La brigade de répression du proxénétisme de Paris a démantelé un vaste réseau de prostitution nigériane. 16 personnes soupçonnées de traite d’êtres humains ont été jugées du 14 au 30 mai 2018, au Tribunal de grande instance de Paris dans un procès d’une ampleur inhabituelle.

Les jeunes femmes qui ont témoigné contre les proxénètes, appellées ‘mama ou madame’ étaient chez elles au Nigéria quand quelqu’un leur promit de les emmener en Europe où elles trouveraient un travail facile, auraient une bonne vie et  la possibilité d’aider leur famille…  C’était l’accomplissement du rêve européen. Arrivées en Italie, France, Espagne, Danemark, Allemagne…  le rêve s’est transformé en cauchemar et ces jeunes femmes, souvent des mineures ont été contraintes de se prostituer à Paris, bien sur les trottoirs ou dans le Bois de Vincennes .  Les recruteurs au Nigeria, sont en lien avec les mamas en France, ou dans un autre pays européen.

Le procès des « Authentic Sisters » à Paris qui a duré presque 3 semaines a été un procès hors norme de par le nombre élevé de prévenus : seize – dont quatorze Nigérians – interpellés en février et mai 2016, mais aussi par l excellente enquête policière de la brigade de répression du proxénétisme (BRP), et une présidente du tribunal qui connaît bien le problème de la traite nigériane. La plupart des prévenus sont des mamas et des chefs de réseau en France, mais ces réseaux ont des ramifications au Nigéria, dans les pays de transit des migrants et dans d’autres pays européens. Cela complique l’enquête, et les victimes ont peur pour leurs familles restées au pays et menacées de représailles par le réseau. Les enquêteurs ont compté au moins cinquante victimes de ce réseau, rien qu’entre 2013 et 2016. La plupart viennent de Benin City, capitale nigériane du trafic d’êtres humains, ou de villages pauvres.

Plusieurs jeunes femmes ont témoigné à l’audience de l’enfer de ce réseau et de ce qu’elles ont été forcées à subir de la part de ces femmes : comment on les a obligées à subir de nombreuses passes par jour, et à donner l’argent à leur proxenète-femme qu’elles appellent maman ou madame. Même pendant le procès ces femmes  ont été menacées de mort pour avoir témoigné.

Le tribunal a condamné quinze prévenus pour proxénétisme aggravé et traite d’être humains à des peines allant jusqu’à onze ans de prison. Pour la plupart Nigérians, ils ont été reconnus coupables d’avoir fait venir illégalement en France de jeunes Nigérianes et d’avoir organisé leur prostitution forcée. Happy Iyenoma, alias «Mama Alicia», la tête pensante du groupe a été condamnée à dix ans d’emprisonnement et 200.000 euros d’amende, et arrêtée à l’audience. Son mari également. Neuf des dix autres « mamas » qui étaient jugées à ses côtés ont été condamnées à des peines allant de deux à dix ans de prison, avec pour certaines de lourdes amendes, et une a été relaxée. Quatre autres hommes, impliqués à divers degrés dans ce réseau, ont écopé de deux à onze ans de prison (cette plus lourde peine allant à un prévenu déjà condamné pour trafic de stupéfiants).

Dix prévenus, dont Mama Alice, se sont vu interdire définitivement de séjourner sur le territoire français. «Beaucoup de gens se battent pour pouvoir séjourner en France, et le font sans passer par des réseaux frauduleux même s’ils sont dans des situations humaines désespérées. C’est aussi au nom de tous ceux-là qu’ont été prononcées ces interdictions», a asséné la présidente.

Les ‘Authentic sisters’ étaient en réalité un réseau de proxénétisme nigérian, déguisé en « club/tontine » des femmes nigérianes et dont l’argent récolté était dédié à acheter le plus grand nombre possible des femmes au Nigéria afin de les exploiter en les obligeant à se prostituer dans la rue en France. « Mama Alice », dont le nom dans ses documents français est Happy Irorere, est  la tête pensante du réseau. A 36 ans, elle a un compagnon, aussi condamné dans le même procès, et 3 enfants de 3, 6 et 11 ans, elle avait été elle-même victime de la traite. Son réseau s’étant au Nigéria et aux pays de transit des migrants, ainsi qu’en France. Sa famille (mère, frères et sœurs) sont les membres principaux du réseau, où il y a aussi d’autres personnes. Dans le procès il est apparu que ses enfants sont depuis 2016 dans un foyer de l’Aide social à l’enfance (ASE). Le juge des enfants et les personnes qui en prennent soin ont rapporté que ce sont des enfants qui relèvent de graves violences et de « vécu sexualisés ». Leur mère criait et leur père les frappait. Les enfants dissent avoir vu dans leur domicile des personnes qui rentraient et ressortaient continuellement des chambres, des adultes qui s’embrassaient nus…  et ils disent qu’ils ont vu des films pornographiques.

Une partie du réseau a été condamné, mais pour autant il n’est pas sûr que le réseau a été démantelé puisque des membres du réseau ont menacé les témoins et que d’autres sont en liberté dans d’autres pays, et même en France.

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Esclavage : des millions de personnes toujours victimes d’exploitation sexuelle et de travail forcé

Mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes / CC Krzysttof Wodiczko

Le 10 mai, la France commémorait la « Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions ». La France et l’Europe en ont-elles vraiment terminé avec l’esclavage ? Le 19 février dernier, le tribunal correctionnel de Nanterre a condamné à 18 mois de prison avec sursis et 60 000 euros de dommages et intérêts une femme qui avait maintenu en esclavage domestique pendant cinq ans une jeune fille arrivée en France à l’âge de 13 ans. La victime avait déposé plainte en octobre 2006. Il a fallu plus de 11 ans pour obtenir un jugement, pour « soumission d’un mineur à des conditions de travail et d’hébergement indignes, travail dissimulé et aide au séjour irrégulier », précise le Comité contre l’esclavage moderne, qui a accompagné l’esclave libérée.

Le Tribunal de grande instance de Paris a aussi reconnu, en février, la qualification de « traite d’être humains » à l’encontre du patron de 18 coiffeuses et manucures d’un salon de beauté du 10earrondissement parisien. Ces femmes étaient soumises à des conditions de travail indignes et d’exploitation extrême pendant des années (voir notre article). Ce type de jugements pour des faits assimilés à la traite d’êtres humains reste extrêmement rares en France. L’esclavage moderne est pourtant loin d’être un phénomène marginal.

Le travail forcé, un phénomène en expansion en Europe

En 2016, plus de 40 millions de personnes, dont 10 millions d’enfants, étaient toujours victimes d’esclavage moderne, selon l’Organisation internationale du travail. Parmi elles 15,4 millions étaient victimes de mariage forcé et 24,9 millions de travail forcé, dont 4,8 millions exploitées sexuellement. La quasi-totalité des victimes d’exploitation dans l’Industrie du sexe et plus de la moitié des victimes de travail forcé dans les autres secteurs sont des femmes. « Dans nombre de pays, le trafic pour exploitation sexuelle est la forme prédominante du trafic d’êtres humains. Dans le même temps, le trafic dans le but d’exploitation par le travail est en augmentation, et était en 2017 la forme prédominante d’exploitation en Belgique, à Chypre, en Géorgie, au Portugal, en Serbie, au Royaume-Uni », soulignait début avril le rapport annuel du Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. « Les hommes sont exploités principalement dans l’agriculture, la construction, le secteur hôtelier, le nettoyage, l’industrie. Le trafic dans le but d’exploitation domestique concerne plus fréquemment les femmes et il est plus difficile à détecter puisqu’il prend place dans le cadre privé », indique aussi le rapport.

En Grande-Bretagne, une estimation du gouvernement dénombrait entre 10 000 et 13 000 personnes qui y seraient victimes de travail forcé, en 2013. Un numéro d’aide aux victimes d’esclavage moderne mis en place au Royaume-Uni a reçu l’an dernier plus de 3700 appels et plus de 700 signalements par Internet de victimes potentielles. De ces prises de contact, l’association qui gère ce numéro d’urgence a signalé plus de 1400 cas aux autorités britanniques. Une grande partie des victimes potentielles venaient de Roumanie, de Pologne et de Thaïlande.

La Grande-Bretagne a adopté en 2015 un Modern Slavery Act, une loi de lutte contre l’esclavage moderne, dont le travail forcé. En Allemagne, le Code pénal a également été modifié en 2016 pour mieux lutter contre le travail forcé. Même chose en Italie, où une loi est entrée en vigueur fin 2016 pour durcir les sanctions contre l’exploitation extrême des travailleurs agricoles. En France, la loi a été modifiée en 2013 pour mieux punir la traite des êtres humains à visée d’exploitation par le travail. Ces ajustements juridiques suffiront-ils à enfin bannir totalement l’esclavage du continent européen ?

Par Rachel Knaebel (Basta!)

Source : https://www.bastamag.net/Esclavage-des-millions-de-personnes-toujours-victimes-d-exploitation-sexuelle

 

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Le plaidoyer du Pape François contre l’esclavage moderne

A l’occasion du forum qui se tient à Buenos Aires du 5 au 8 mai sur l’esclavage moderne, «Vieux problèmes du nouveau monde», le Pape François a tenu à réaliser un message vidéo pour faire part de son soutien et de sa préoccupation pour les victimes de l’esclavage moderne.
«Personne ne peut se laver les mains devant cette réalité tragique, s’il ne veut pas être complice de ce crime contre l’humanité», les mots choisis par le Saint-Père sont forts, pour lutter contre l’esclavage moderne, à l’occasion du forum «Vieux problèmes du nouveau monde» qui se déroule en Argentine du 5 au 8 mai.

Voir le Message video du Pape François en espagnol

Dans son message vidéo, le Pape François salue les participants à ce II Forum, et affirme que l’esclavage «n’est pas quelque chose d’autre temps»; mais «une pratique qui a des racines profondes» et se manifeste encore aujourd’hui et sous de nombreuses formes différentes telles que la traite des êtres humains, l’exploitation du travail par la dette, l’exploitation des enfants et l’exploitation sexuelle, sans oublier le travail domestique forcé , dont les victimes s’élèveraient dans le monde à 40 millions de personnes.

Selon le Global Slavery Index, 58% des victimes sont répartis dans 5 pays: Inde, Chine, Pakistan, Bangladesh et Ouzbékistan.

Femmes et filles représentent 71% des esclaves, soit près de 29 millions de personnes. Une victime de l’esclavage moderne sur quatre est un enfant, soit environ 10 millions d’individus.

En intégralité, le script du message vidéo du Pape François:

Chers frères et sœurs,

J’ai accueilli avec plaisir votre invitation à vous adresser mes salutations, vous qui participez à ce forum sur les formes modernes d’esclavage : « Problèmes anciens dans le nouveau monde », organisé par l’archidiocèse orthodoxe de Buenos Aires guidé par mon cher métropolite Tarasios, et par l’Institut orthodoxe Patriarche Athénagoras de Berkeley, en Californie, avec le soutien du patriarcat œcuménique. Avant tout, j’exprime mes remerciements les plus sincères au patriarche œcuménique, Sa Sainteté Bartholomée, et à l’archevêque de Canterbury, Sa Grâce Justin Welby, qui ont inauguré ce forum l’année dernière. Cela me console de savoir que nous partageons la même préoccupation pour les victimes de l’esclavage moderne.

L’esclavage n’est pas quelque chose d’une autre époque. C’est une pratique qui a des racines lointaines et qui se manifeste encore aujourd’hui et dans des formes diverses : trafic d’êtres humains, exploitation du travail à travers les dettes, exploitation de mineurs, exploitation sexuelle et par les travaux domestiques forcés sont quelques-unes de ces nombreuses formes. Chacune plus grave et inhumaine que les autres. Malgré le manque d’information disponible sur certaines régions du monde, les chiffres sont dramatiquement élevés et, très probablement, sous-estimés. Selon certaines statistiques récentes, il y aurait plus de 40 millions de personnes, hommes, mais surtout femmes et enfants, qui souffrent de l’esclavage. Seulement pour nous faire une idée, nous pouvons penser que s’ils vivaient dans une unique ville, ce serait la plus grande métropole de notre planète et cela représenterait plus ou moins le quadruple de toute la population urbaine de Buenos Aires et de la Grande Buenos Aires.

Devant cette réalité tragique, personne ne peut se laver les mains sans être, d’une certaine manière, complice de ce crime contre l’humanité. Un premier engagement qui s’impose est de mettre en œuvre une stratégie qui permette une connaissance importante du thème, en déchirant ce voile d’indifférence qui semble peser sur le destin de cette portion de l’humanité qui souffre, qui souffre actuellement. Il semble que beaucoup ne veulent pas comprendre la portée du problème. Certains, impliqués directement dans des organisations criminelles, ne veulent pas que l’on en parle, simplement parce qu’ils gagnent des bénéfices élevés grâce aux nouvelles formes d’esclavage. Il y en a aussi qui, bien qu’ils connaissent le problème, ne veulent pas parler parce qu’ils se trouvent là où finit la « chaîne de consommation », comme consommateurs des « services » qu’offrent des hommes, des femmes et des enfants transformés en esclaves. Nous ne pouvons pas feindre d’être distraits : nous sommes tous appelés à sortir d’une quelconque forme d’hypocrisie, en affrontant la réalité qui est que nous faisons partie du problème. Le problème n’est pas sur le trottoir d’en face : il m’implique. Il ne nous est pas permis de regarder ailleurs et de déclarer notre ignorance ou innocence.

Un second engagement consiste à agir en faveur de ceux qui sont transformés en esclaves : défendre leurs droits, empêcher que les corrompus et les criminels n’échappent à la justice et n’aient le dernier mot sur les personnes exploitées. Il ne suffit pas que certains États et Organismes internationaux adoptent une politique particulièrement dure en voulant punir l’exploitation des êtres humains si, ensuite, ils n’affrontent pas les causes, les racines plus profondes du problème. Quand les pays souffrent de la pauvreté extrême, souffrent de la violence et de la corruption, ni l’économie, ni le cadre législatif, ni les infrastructures de base ne sont efficaces ; ils n’arrivent pas à garantir la sécurité ni les biens ni les droits essentiels. Ainsi, il est plus facile pour les auteurs de ces crimes de continuer à agir en totale impunité. En outre, il y a un donné sociologique : la criminalité organisée et le trafic illégal d’êtres humains choisissent leurs victimes parmi les personnes qui, aujourd’hui, ont peu de moyens de subsistance et encore moins d’espérance pour l’avenir. Pour être plus clair : parmi les plus pauvres, les plus marginalisés, les plus rejetés. La réponse de base consiste à créer des opportunités pour un développement humain intégral, en commençant par une éducation de qualité : c’est là le point clé, une éducation de qualité dès la petite enfance, pour continuer à générer ensuite de nouvelles opportunités de croissance à travers le travail. Éducation et travail.

Ce travail immense requiert du courage, de la patience et de la persévérance, et a besoin d’un effort commun et mondial de la part des différents acteurs qui composent la société. Les Églises aussi doivent consacrer leur engagement à cela. Tandis que des individus et des groupes spéculent honteusement sur l’esclavage, nous, chrétiens, tous ensemble, nous sommes appelés à développer chaque fois davantage une plus grande collaboration pour que soient dépassées toutes les formes d’inégalité, toutes les formes de discrimination, qui sont précisément ce qui rend possible qu’un homme puisse faire d’un autre homme un esclave. Un engagement commun pour affronter ce défi sera une aide précieuse pour la construction d’une société renouvelée et orientée vers la liberté, la justice et la paix.

Je souhaite à ce Forum un franc succès ; je demande au Seigneur de vous bénir et de bénir le travail que vous effectuez. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.

Traduction Anita Bourdin – Zénit

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Journée Européenne 2017 contre la traite

171018-Strasbourg

Conseil de l’Europe – Strasbourg

Ce Débat est le résultat d’un travail de fond et d’une ténacité de longue haleine, afin de réunir pour un événement pareil des institutions au fonctionnement lourd et dissemblable… Fruit de plusieurs rencontres, dont la dernière à laquelle j’ai participé grâce au partenariat avec le Collectif contre la Traite. Nous étions réunis par Madame Petya Nestorova, Secrétaire exécutive de la Convention du Conseil de l’Europe sur l’Action contre la Traite des Etres Humains, que j’avais déjà eu l’occasion de croiser lors de précédentes rencontres en Belgique… et qui s’en souvenait !

Cette préparation immédiate m’a permis de rencontrer les personnes chargées de l’Europe à la Municipalité de Strasbourg, le personnel du GRETA, organisme chargé de la lutte contre la Traite au Conseil de l’Europe, (dont notre modérateur a été longtemps Président : nous nous connaissons bien !) et un enseignant particulièrement motivé et actif dans son collège pour que les jeunes des « quartiers » ne se laissent pas embrigader dans un trafic dont ils ne peuvent plus sortir… Finalement nous avons affiné l’invitation .

Meeting au Conseil de l’Europe- 18 Octobre 2017. L’Odyssée , Strasbourg.

Comme tout événement au Conseil de l’Europe, notre soirée a commencé par les introductions officielles : l’ouverture par Madame Gabriella Battaini-Dragoni, Secrétaire-Générale Adjointe du Conseil de l’Europe, Madame Nouria Yahi Boggio, directrice régionale des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, puis Madame Nawel Rafik-Elmrini, adjointe au Maire en charge des relations européennes et internationales.

171018-Strassbourg-Olivier Brisson, M. H. Halligon, Radia El Jribi, Guido Freddi, Geneviève Colas, Nicolas le Coz

Olivier Brisson, M. H. Halligon, Radia El Jribi, Guido Freddi, Geneviève Colas, Nicolas le Coz (ancien président du GRETA)

Puis Nicolas Le Coz a présenté les panelistes et les a invités à expliquer leur travail de terrain contre la Traite des Êtres Humains :

  • Olivier BRISSON, avocat au CCEM (Comité Contre l’Esclavage Moderne)
  • Sr M. Hélène HALLIGON, NDCBP, membre de RENATE et du CCTEH
  • Radia EL JRIBI, de l’Association Themis
  • Guido FREDDI, réalisateur du Film « #Invisibles »
  • Geneviève COLAS, Secours Catholique – Caritas France, coordinatrice du CCTEH
171018-Strasbourg-enfants-présents

Enfants présents à la séance du Conseil de l’Europe.

Les enfants et les jeunes présents ont porté une grande attention au film, qui relate les histoires croisées de jeunes victimes d’exploitation à Paris, sous plusieurs formes (esclavage domestique, mendicité forcée, exploitation sexuelle…) il a ensuite demandé aux jeunes de l’assistance de poser leurs questions ce que plusieurs ont fait.

Enfin, Mme Petya Nestorova Secrétaire exécutive de la Convention du Conseil de l’Europe sur l’Action contre la Traite des Etres Humains a clos le débat en ouvrant la perspective d’autres événements semblables, notamment dans les écoles.

Deux enseignants étaient venus avec leurs élèves et vont continuer la conscientisation dans leur collège… l’un d’entre eux a repris le tram avec moi, et nous avons continué les échanges : quelle joie de rencontrer des jeunes profs qui prennent cette question à cœur !

Nous attendons les demandes… !

J’avais envoyé des invitations aux religieuses du diocèse, et espère que, si elles n’ont pu venir, elles ont soutenu cette action dans la prière, et continueront à le faire : elles avaient été très réceptives au « Notre Père » quotidien pour que le Dieu de miséricorde convertisse le cœur de ceux et celles qui exploitent leurs semblables, surtout les plus vulnérables…

Si c’est difficile pour vous de vous mobiliser concrètement, merci de dire chaque jour ce « Notre Père » à cette intention. Je suis certaine que le Cœur de Dieu se laissera toucher…

Sœur Marie Hélène Halligon, NDCBP – 24 10 2017

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Les Champs de Booz et les demandeuses d’asile vulnérables en Ile-de-France

Par Elisabeth Auvillain – Paris, France –  3 Mai 2018 

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Sr. Paula D’Souza, Franciscaine de Bangalore, Inde, de l’équipe des Champs de Booz, lors d’un atelier de couture avec les réfugiées. (Photo LCdB)

Miriam (prénom changé) était infirmière dans un hôpital au Congo. Elle a critiqué en privé la façon dont certains médecins maltraitaient les patients. Quelqu’un l’a dénoncée aux autorités. Elle a été emprisonnée et torturée.

Un jour, elle a été amenée avec un groupe de détenus à un endroit près d’une rivière. Les détenus savaient qu’ils allaient être ligotés et jetés dans la rivière pour mourir.

Un garde s’est approché : « Courez, courez », lui murmura-t-il.

Elle l’a fait pendant des jours, s’échappant à travers la jungle. Les amis et la famille ont rassemblé de l’argent pour pouvoir fuir en France.

Des fonctionnaires de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), qui décide qui peut obtenir l’asile en France, n’ont pas cru à son histoire et ont rejeté sa demande d’asile.

Mais avec l’aide de sœurs et de bénévoles travaillant pour Les Champs de Booz, elle a fait appel et a gagné. Elle est à Paris maintenant, espérant que sa fille la rejoindra bientôt.

En 2003, 23 congrégations religieuses se sont unies pour créer Les Champs de Booz afin d’aider les réfugiés les plus vulnérables en France : des femmes célibataires qui arrivent seules, fuyant un pays où elles sont en danger. Souvent, elles ne parlent pas français, ont vendu la plupart de leurs biens pour payer les trafiquants qui les emmènent en Europe, et ne connaissent que quelques immigrés originaires de leur pays d’origine, qui ne sont pas toujours désireux de les aider.

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Les Champs de Booz. Réfugiées africaines et asiatiques (photo fournie par LCdB)

Elles ont besoin d’un endroit pour se poser, apprendre la langue et faire une formation professionnelle dans un pays où le chômage oscille autour de 10%, ce qu’elles ne pouvaient souvent pas imaginer en quittant leur pays d’origine. Certaines d’entre elles arrivent en France et ne savent pas dans quel pays elles se trouvent. Ce sont les trafiquants qui décident leur lieu d’arrivée.

Le nom « Les Champs de Booz » a été inspiré par l’histoire de Ruth dans la Bible : Ruth travaille dur pour gagner sa vie et protéger sa belle-mère ; Booz la traite bien et la défend contre le racisme et le sexisme.

« Toutes les femmes qui viennent à cet endroit ont subi une forme de violence », a déclaré Sr Eliane Loiseau, Sœur Missionnaire de l’Evangile. Avec huit laïcs et cinq autres sœurs, Sr Eliane voit à son tour les femmes qui sonnent les mardi et jeudi après-midi, quand la permanence est ouverte.

« Les sœurs qui travaillent ici ont souvent vécu, comme moi, en Afrique, elles ont voyagé, elles savent ce qu’est la pauvreté dans les pays que les réfugiées tentent de fuir », a déclaré Sr Eliane. « Les bénévoles qui travaillent avec nous sont souvent des femmes retraitées, elles ont élevé des enfants, elles ont d’autres expériences de vie, des compétences professionnelles, c’est très positif pour nous tous de travailler ensemble, nous apprécions. « Vos sœurs ont une vue d’ensemble et regardent très loin dans l’avenir, vous n’êtes pas trop concentrées sur le court terme.  »

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A partir de la G : Sr. Nicole Robion, Francine Sosson et Sr. Eliane Loiseau (Photo : E Auvillain)

Tous les mardis et jeudis, l’équipe déjeune ensemble avant de partager des informations sur les femmes qui sont venues au cours de la semaine. Au total, 112 femmes sont venues demander de l’aide en 2017, totalisant 800 visites, la plupart des femmes venant plusieurs fois. Sur les 112 femmes, 58 sont venues pour la première fois. En 2016, il y a eu 355 visites de 64 femmes.

Chaque femme est vue par deux bénévoles, des femmes pour la plupart, qui voient si la personne est réfugiée ou une migrante qu’elle enverrait ensuite à une autre organisation capable de l’aider. Les Champs de Booz n’aident que les demandeuses d’asile.

Au total, le processus d’obtention de l’asile en France prend de six mois à plus d’un an. Les Champs de Booz jouent un rôle important en aidant ces femmes avec la lourde paperasserie. Ils offrent également un soutien et une écoute.

Tristane de Choiseul, médecin, qui est également présidente des Champs de Booz, les voit si elles ont besoin d’une assistance médicale. Une autre bénévole, Marie-Françoise Bloch, enseigne le français.

« Parfois, elles se présentent, parfois pas », a déclaré M. Françoise. « Nous essayons de leur dire d’être persévérantes, mais c’est difficile. »

Connaître la langue est essentiel pour trouver un emploi.

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Des demandeuses d’asile tibétaines apprennent le Français aux Champs de Booz. (Elisabeth Auvillain)

« Apprendre le français est très difficile pour les Asiatiques, y compris les Tibétaines que nous voyons de plus en plus souvent », a déclaré Sr. Nicole Robion, Sœur Missionnaire de Notre-Dame d’Afrique, également connues sous le nom de Sœurs Blanches, qui fait partie de l’équipe. « Mais si elles ne le font pas, elles risquent de passer leur vie à travailler dans la cuisine d’un restaurant asiatique sans aucune perspective d’un meilleur travail. »

La situation des femmes est aggravée par le manque d’hébergement à Paris. Les femmes n’ont généralement pas d’endroit pour rester au-delà de quelques jours passés avec des amis ou des parents, qui n’ont pas beaucoup d’espace pour eux-mêmes. Beaucoup d’entre elles dorment dans des refuges pour personnes sans domicile.

L’organisation reçoit de l’aide des paroisses et des congrégations religieuses féminines qui ont des chambres d’amis. Les femmes doivent payer un loyer symbolique de 100 euros par mois. Au total, il y a environ 25 lits disponibles, ce qui n’est pas suffisant. Le diocèse a récemment offert aux Champs de Booz un vieux bâtiment où 450 personnes pouvaient trouver refuge, mais l’organisation ne pouvait pas l’utiliser parce qu’il n’y avait personne pour gérer le bâtiment.

D’où viennent ces femmes ?

« Depuis octobre 2017, nous avons vu beaucoup de femmes venir du Tibet », a déclaré Sylvaine Clouqueur, ancienne avocate qui travaille maintenant comme bénévole pour Les Champs de Booz. « C’est un phénomène nouveau : la communication n’est pas très facile, mais quand l’une d’elles parle anglais, elle aide les autres et obtient facilement l’asile, le gouvernement français reconnaissant que les Tibétains sont victimes de persécution en Chine ».

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Soeurs et bénévoles des Champs de Booz, demandeuses d’asile du Tibett, pendant une cérémonie interreligieuse à l’église St. Jean Bosco toute proche. (Photo fournie par LCdB)

D’autres viennent de pays francophones d’Afrique de l’Ouest, Guinée, Côte d’Ivoire, Cameroun et Congo. Il leur est plus difficile d’obtenir l’asile, car souvent elles ne peuvent pas prouver que leur vie est en danger.

Les migrantes – celles qui viennent en Europe à la recherche d’un avenir meilleur – ne sont pas toutes demandeuses d’asile. Les premières quittent leur pays dans l’espoir d’une vie meilleure. Les demandeuses d’asile fuient un pays où elles sont en danger à cause d’une guerre ou parce qu’elles ont été victimes de violence politique ou domestique ou de mutilations sexuelles. Certaines ont été mises en prison pour avoir critiqué le gouvernement ; d’autres risquent la peine de mort en raison de leurs croyances religieuses ou de leur orientation sexuelle.

Si elles demandent l’asile et la protection de la France, elles savent qu’elless ne seront jamais autorisées à rentrer chez elles. Un retour leur fait perdre le droit de vivre en Europe. Le droit d’obtenir l’asile fait partie de la Convention des Nations Unies sur les réfugiés, adoptée en 1951.

« Nous accueillons ces femmes ici deux fois par semaine pour les aider à demander l’asile, à trouver un logement, à demander une couverture santé, etc. », a déclaré Tristane Choiseul.

Un processus en trois étapes qui peut prendre des mois

Les volontaires des Champs de Booz aident les demandeuses d’asile dans leur entreprise longue et difficile. Les candidates ont 120 jours pour commencer le processus, qui comprend trois étapes principales.

D’abord, elles doivent faire la queue pendant des heures, attendant leur tour pour être reçues par une organisation à but non lucratif chargée de leur donner un premier rendez-vous avec les autorités locales pour soumettre leur demande d’asile.

France Terre d’Asile est l’une des principales associations d’accueil et d’enregistrement des réfugiés, leur permettant de se rendre au bureau d’immigration de la Préfecture de Police, deuxième étape de cette procédure. La queue devant leur bureau dans le nord de Paris est si longue que parfois les candidats doivent dormir dans la rue et attendre que le bureau s’ouvre à nouveau le lendemain.

D’après le site officiel du gouvernement, un rendez-vous avec la police est prévu entre trois et dix jours après la première visite. En réalité, il faut maintenant au moins deux mois, disent les volontaires de Les Champs de Booz.

A la préfecture, on demande aux candidats : d’où venez-vous ? Pourquoi êtes-vous parti ? Avez-vous demandé l’asile ailleurs ?

Les demandeurs d’asile doivent postuler dans le premier pays qu’ils atteignent lorsqu’ils entrent en Europe. Cette procédure, appelée règlement de Dublin, explique pourquoi l’Italie et la Grèce ont dû prendre en charge plus de demandeurs d’asile que la plupart des autres pays européens. Les Africains arrivent en Italie par bateau depuis la Libye, risquant de se noyer en Méditerranée, et les Syriens traversent la Turquie pour la Grèce.

« Notre objectif est de les aider pour leurs papiers, mais aussi de trouver un emploi et une place dans la société française », a déclaré Francine Sosson, pharmacienne retraitée qui travaille pour Les Champs de Booz. « Nous ne les encourageons pas à vivre de l’aide sociale, pas du tout. »

Les empreintes digitales sont prises à la préfecture pour vérifier dans la base de données européenne si la personne a déjà demandé l’asile ailleurs.

À la fin de l’entretien, le demandeur d’asile peut demander une indemnité journalière de 680 euros par mois, qu’il reçoit habituellement après environ deux mois et ce jusqu’à la décision finale de l’OFPRA. En même temps, il est autorisé à rester en France pendant un mois, le temps de rassembler les documents nécessaires pour une demande officielle (photos, compte rendu détaillé de leurs voyages, la preuve de leur nationalité, etc.) à l’OFPRA, qui le convoquera lors une dernière interview à son siège social dans une banlieue est de Paris.

Une fois qu’un demandeur d’asile a envoyé sa demande, il est autorisé à rester jusqu’à ce que l’OFPRA l’appelle pour une entrevue. Cela peut prendre des mois, car de plus en plus de personnes demandent l’asile en France.

La dernière étape est celle que tout candidat redoute : la visite à l’OFPRA pour un entretien avec le fonctionnaire français qui décidera si la personne est réellement en danger dans son pays d’origine et devrait se voir accorder le statut de réfugié. Pour l’obtenir, les demandeurs d’asile doivent convaincre les fonctionnaires qu’ils seront soumis à la persécution, à la violence ou à la prison s’ils retournent chez eux.

« Chaque demandeuse d’asile que nous voyons ici a une histoire de violence et de mauvais traitements », a déclaré Sr Eliane. « La plupart d’entre elles ont besoin de temps pour nous dire exactement ce qui leur est arrivé, pour décrire comment elles ont été agressées physiquement et blessées ou mariées très jeunes contre leur gré, la plupart d’entre elles ont des enfants qu’elles ont laissés derrière. Nous les aidons à mettre des mots sur ce qu’elles ont vécu, afin qu’elles puissent exposer leur cas avec plus de conviction, ce qui est très difficile pour elles.  »

Les demandeurs d’asile peuvent être accompagnés à l’entretien

« Le bénévole est à peine autorisé à dire quelques mots à la fin de l’interview », a déclaré Francine Sosson. « Ce n’est pas comme avoir un avocat avec vous. »

Les fonctionnaires de l’OFPRA sont censés donner une réponse dans les six mois. Encore une fois, cela prend souvent plus de temps. Les critères énoncés par la Convention sur les réfugiés sont stricts : en 2017, seuls 27% des demandeurs ont obtenu l’asile politique. Le nombre s’élève à 36 % lorsque vous incluez ceux qui ont interjeté appel à la Cour Nationale du Droit d’Asile et gagné leur cause, selon l’OFPRA.

Ceux qui sont rejetés tombent souvent dans la clandestinité.

« Je préfère vivre dans la rue plutôt que de rentrer chez moi », a déclaré un jour une demandeuse d’asile à une volontaire des Champs de Booz.

Le nombre croissant de réfugiés a conduit le gouvernement à préparer une loi visant à réduire de moitié la durée de la procédure de demande d’asile et à garantir que les personnes dont la demande a été rejetée retournent dans leur pays d’origine.

Le temps d’appel de la décision de l’OFPRA serait raccourci et les demandeurs n’auraient que 15 jours pour demander l’asile.

La plupart des associations de défense des droits de l’homme craignent que les mesures prévues par la loi – qui a été adoptée le 22 avril à l’Assemblée nationale et doit maintenant être renvoyée au Sénat – ne réduisent les droits des réfugiés jusqu’à maintenant.

« Les demandeurs d’asile qui ont échappé à un réel danger ont besoin de temps pour se défendre », a déclaré Sophie Trouillot, une bénévole travaillant pour un autre groupe de réfugiés. « Ils sont traumatisés, la nouvelle loi aggravera leur situation ».

Elisabeth Auvillain est journaliste freelance à Paris.]

 

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Traite des Êtres Humains et Exploitation des Migrants – Public Policy Exchange

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Marie-Hélène Halligo dans le Symposium

Des membres du Conseil d’administration de RENATE ont participé au 8ème Symposium International Annuel qui a eu lieu à Bruxelles dans le cadre du Public Policy Exchange, le 17 Avril, 2018. 

Voici le développement du Colloque.

Le colloque a débuté par une présentation du professeur Jean-Michel Chaumont sur le thème « La traite des personnes – le cadre actuel en perspective historique ». Le professeur a présenté ses perspectives, fondées sur des analyses empiriques socio-historiques qui exposent le fait que la culture influence la manière dont nous traitons le concept de traite des êtres humains (TEH). L’accent qu’il mettait sur la nécessité d’établir une distinction entre « traite des êtres humains » et « contrebande / exploitation » était particulièrement intéressant. Il a reconnu qu’en réalité, les vrais besoins des victimes sont les mêmes. Il y a des agendas cachés, croit-il, en maintenant une distinction entre ceux-ci. Lorsque nous aidons ces personnes à rentrer chez elles, nous nous sentons bien dans notre peau, mais en réalité beaucoup, beaucoup de ces gens ne veulent pas rentrer chez eux.

Des discussions considérables ont eu lieu autour de la suggestion de l’un des participants selon laquelle, indépendamment des distinctions, la TEH et la contrebande sont toutes deux criminalisées, les personnes vulnérables étant victimes des structures du crime organisé.

Mme le Dr. Carrie Pemberton Ford, de la CCARHT, Université de Cambridge, a parlé des « réseaux de terreur », qui submergent les plus vulnérables par la terreur pure et simple. Terroriser les personnes vulnérables est également devenu un mécanisme par lequel les groupes criminels peuvent gagner de l’argent « cash » en terrorisant les autres. Ce sont des réseaux réels, des réseaux super-exploitants, qui s’infiltrent dans toute la société, par les routes de la traite assimilables à de la sous-traitance.

Carrie Pemberton Ford a recommandé que le sujet soit considéré dans un cadre beaucoup plus large qu’auparavant, à savoir le Cadre européen, plutôt qu’un Cadre de poursuites pénales, quand ce dernier réduit notre compréhension et nos capacités à faire face à la situation. Carrie suggère d’entrelacer le Cadre européen et les Objectifs de Développement Durable, ce qui apporterait une perspective et une profondeur plus humaine et réaliste. En fin de compte et idéalement, il faut comprendre une vaste gamme de questions liées à la TEH pour d’essayer d’arriver à une Politique.

Lecture recommandée – Le proxénétisme de la prostitution – par Julie Bindel.

Linda Ristagno, Directrice des affaires extérieures, Association internationale des compagnies aériennes (IATA) – représentant 225 compagnies aériennes mondiales. http://www.iata.org

Linda a été chaleureusement accueillie et a suscité l’intérêt des participants lorsqu’elle nous a parlé de l’initiative de l’IATA visant à aider les gouvernements et les forces de l’ordre à vaincre la traite des personnes dans le secteur de l’aviation.

#eyesopen est la campagne de l’IATA –

 » Dites ce que vous voyez.  »

Avec les preuves croissantes qui lient la TEH aux cartels criminels et financiers, l’industrie du transport aérien s’intéresse à la prévention de la TEH, non seulement du point de vue moral et des droits de l’homme, mais aussi dans la réduction des activités criminelles. .

Prévention et la Sensibilisation étaient des thèmes récurrents car elle a reconnu que les membres d’équipage de cabine sont spécialement concernés par l’initiative : ils passent tellement de temps à bord des vols et, lorsqu’ils sont bien formés, peuvent voir les signes de la TEH.

Conformément à la réflexion actuelle, Linda a souligné l’importance de la coopération avec d’autres acteurs, par ex. le personnel de l’aéroport ; le secteur travaille maintenant avec des agents sur la scène mondiale, tels que l’UNODC et l’Initiative CNN Freedom Project, pour fournir une réponse à l’échelle de l’industrie, via la sensibilisation, l’engagement avec les gouvernements et l’application des lois et par des conseils et de la formation pour le personnel des compagnies aériennes.

Ruth Baldacchino, Coprésidente du Groupe de travail – Régularisation et dépénalisation du travail du sexe à Malte, s’est exprimée au nom du secrétaire parlementaire maltais, responsable du portefeuille de la TEH, qui a malheureusement été dans l’impossibilité de venir.

Ruth a reconnu Malte comme un pays de destination-clé pour la TEH, avec une incidence accrue de la TEH à des fins de travail et d’exploitation, très probablement liée à la récente croissance économique de Malte.

Malte s’est engagée à enquêter sur les problèmes de fond à l’origine de la TEH et de son exploitation. La réforme du pays est menée par le secrétaire parlementaire, qui dirige un groupe de travail comprenant des départements gouvernementaux multidisciplinaires. Afin d’apprendre des expériences des autres, ce groupe a visité des Refuges au pays et à l’étranger et a entendu beaucoup d’histoires d’abus, d’exploitation, de violence mais partout, ils ont vu que les survivants ont la volonté de reconstruire leur vie.

Au niveau national, le Gouvernement maltais a lancé un débat public sur la vulnérabilité des personnes, couvrant un certain nombre de domaines, notamment la TEH, dans le but plus large de réformer le commerce du sexe et la prostitution. En outre, le gouvernement maltais a lancé une stratégie, mise en place en 2017, baptisée « Identity Malta » pour lutter contre la TEH.

Le gouvernement maltais a mis en place une agence qui se concentre uniquement sur la TEH, en accordant une attention particulière aux flux d’argent qui l’entourent, et en participant à la compréhension des facteurs « push & pull » associés au travail forcé.

Nous avons entendu que le gouvernement veut effectuer un contrôle plus approfondi aux points d’entrée et par l’octroi de visas et de permis par les autorités gouvernementales. Le gouvernement a l’intention de collaborer avec les gouvernements du Royaume-Uni et des États-Unis pour bénéficier de programmes de formation spécialisés.

Une fois de plus, nous avons entendu parler du concept de partenariat et de capacités de collaboration dans le cadre de l’engagement du gouvernement à réprimer toutes les formes de traite, d’exploitation et de violence sexiste et à réprimer les activités criminelles.

Il était intéressant d’entendre Ruth parler de l’engagement du gouvernement à concevoir une approche spécifique et pertinente pour Malte, à la lumière de sa base géographique et de ses mœurs culturelles spécifiques.

Tout au long de la présentation, nous avons entendu parler de l’importance d’impliquer les victimes dans la mesure du possible et de fournir une base d’information centralisée pour répondre rapidement à la demande « Qui puis-je contacter pour obtenir de l’aide ? »

Madeleine Sundell, Suède – Armée du Salut (Avocate) a abordé le thème « Arrêter les auteurs d’actes criminels et assurer la justice : renforcer les réponses multi-agences ».

Adoptant une approche basée sur les droits des victimes, Madeleine a abordé les perspectives suédoises sur la manière d’arrêter les auteurs et sur la meilleure façon de garantir la justice en renforçant les réponses multi-agences.

Toutes les ONG en Suède travaillent en collaboration en tant que plateformes de la société civile : la TEH est un problème suédois, et pas seulement un crime mondial. Il se produit dans toutes les villes suédoises et donc un effort concerté est fait pour traiter ce crime dans son ensemble. En Suède, il existe une responsabilité collective d’identifier et de soutenir les auteurs et les victimes.

Alors que les droits de la victime sont primordiaux, en Suède, il existe également une disposition relative aux droits de l’auteur, qui a aussi droit à un avocat.

Madeleine a parlé d’un grand défi du système juridique suédois selon lequel les principes de l’immédiateté et les principes de procédure orale exigent que l’agresseur et la victime comparaissent devant le tribunal … ce que craignent beaucoup les victimes qui sont menacées.

Un autre défi pour la Suède est de faire face au risque que les victimes soient à nouveau victimes de traite – en particulier les filles qui sont victimes de la traite à des fins d’actes criminels, par ex. la mendicité, le commerce du sexe etc. et craignent d’être poursuivies comme criminelles si elles sont attrapées par la police.

Un autre défi, selon Madeleine, est le manque de juges spécialisés dans ce domaine, bien que la Suède dispose de procureurs spécialisés.

En reconnaissant que la TEH n’est pas un crime dont on peut se vanter, les autorités suédoises accordent la priorité à la formation des agents frontaliers de première ligne, non seulement en tant que moyen d’identification mais aussi en tant qu’effort de collaboration inter-institutions.

Un autre sujet de préoccupation concernait l’enfant à naître d’une victime de la TEH, et la manière dont la Suède pourrait le mieux protéger les droits de cet enfant innocent.

Au total, c’était un symposium très intéressant, avec beaucoup de nouvelles informations. Les membres de RENATE (Imelda Poole, IBVM, Marie Hélène Halligon, NDCBP, Ivonne van de Kar et Anne Kelleher) ont saisi toutes les opportunités pour créer des ponts et tisser des liens qui nous soutiendront dans notre travail mais étendront nos capacités en tant que réseau à apprendre les uns des autres et renforcer les possibilités de travailler en collaboration dans la lutte contre la TEH.

Anne Kelleher. Traduction française : MH Halligon

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